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Aux Femmes Oubliées L’Humanité Reconnaissante

Dernière mise à jour : 28 janv. 2020

Rosalind Franklin


Toute personne qui a mis un pied dans la discipline scientifique connaît les noms Watson et Crick et tout le monde a plus ou moins une idée de ce qu’est la structure en double-hélice de l’ADN (Acide Désoxyribonucléique). Pourtant, une minorité de personne connaît le nom de Rosalind Franklin.

Une femme dont le génie fut ignoré et attribué à d’autres. Une victime de l’« effet Matilda », bien jolie expression pour désigner le manque de reconnaissance envers les femmes qui font des découvertes scientifiques. Cette femme, oubliée du grand public au profit de ses trois collègues masculins est pourtant l’une des figures essentielles dans la découverte de la structure de l’ADN. Je tâcherais ici, de raconter son histoire sans la modifier, de manière objective, tout cela sans épargner ceux qui ont profité, à son insu, de son immense talent.


Une vie marquée par un parcours brillant :

Rosalind Elsie Franklin naît en juillet 1920 dans une famille juive. Fille d’Ellis Arthur Franklin, un banquier et de Muriel Frances Waley, elle est la seconde d’une fratrie de cinq enfants nés du couple. Selon les mots de sa mère que l’on peut retrouver dans le livre de Jenifer Glynn (sa sœur), My Sister Rosalind Franklin (paru en 2012), « Her affections, both in childhood and in later life were deep and strong and lasting » (« Son affection, que ce soit dans l’enfance ou plus tard dans sa vie, était profonde, forte et durable »).

Très rapidement, son parcours scolaire se distingue par son exemplarité. A cinq ans, elle intègre la Norland Place School, une école privée. A onze ans, elle entre à l’école des filles de Saint-Paul à Londres, une des seules où la physique et la chimie sont enseignées aux jeunes filles.

En 1938, après avoir obtenu son baccalauréat anglais, elle part pour Cambridge et intègre le Newham College. C’est à cette période de sa vie, en pleine montée du nazisme en Europe, qu’elle fait la rencontre de personnalités qui changent sa vie, à l’image d’Adrienne Weill, réfugiée française et ancienne élève de l’institut Pierre et Marie Curie. C’est grâce à cette rencontre qu’après avoir réussi l’examen final du Collège, elle rejoint la France où elle travaille au Laboratoire central des services chimiques de l’État et apprend la technique de cristallographie des rayons X, la diffractométrie. C’est cette technique qui lui permet de faire une découverte scientifique majeure.


Histoire d’une trahison :


En 1951, elle obtient un poste au King’s College dirigé par John Randall et est chargée

de l’étude des matériaux biologiques avec Maurice Wilkins. C’est ici qu’elle applique ses connaissances sur la diffraction des rayons X à l’ADN et qu’elle réalise de nombreux clichés.

Mais son collègue, Maurice Wilkins prend la décision de montrer, à son insu, ses clichés et notamment le numéro 51 à James Dewey Watson qui travaille également sur la nature de l’ADN. A l’aide de ces clichés, Watson et Francis Crick démontrent en 1953 la formation en double-hélice de l’ADN et reçoivent toute la gloire qui accompagne ce type de découverte pendant que Rosalind, en raison de sa mésentente avec ses collègues se voit poussée vers la sortie.

Elle quitte le King’s College et rejoint l’équipe d’Aaron Klug à Birkbeck College où elle étudie les virus toujours grâce aux connaissances qu’elle a acquises en France et pose les bases de la virologie structurale. Pour ces travaux, son collègue Aaron Klug reçoit en 1982 le Prix Nobel.

Elle décède en 1958 à l’âge de trente-sept ans, d’un cancer de l’ovaire, probablement dû à sa surexposition aux radiations, avec à son actif vingt-et-un papiers sur les propriétés du Carbonne, dix-huit sur les virus et son immense travail sur la structure de l’ADN.


Voici venu les temps des récompenses :


Après l’effort, le réconfort. En effet, tout travail mérite salaire et comme n’importe quel travail, les découvertes scientifiques apportent leurs lots d’hommages et de récompenses.

En 1962, pour les remercier de leur découverte majeure en matière d’ADN, les scientifiques et ex-collègues masculins de Rosalind Franklin, j’ai nommé Francis Crick, James Watson et Maurice Wilkins se voit attribuer un Prix Nobel de médecine. Loin de moi, l’idée de minimiser l’importance de leurs travaux et des découvertes qui en ont découlé. Aucun problème non plus avec le fait que madame Franklin n’a pas été lauréate du Nobel en 1962 puisqu’elle était, bien malheureusement, déjà décédée et que le Prix Nobel n’est jamais décerné à titre posthume.

Ceci étant dit, on imagine assez intuitivement que ces collègues l’ont mentionnée, ont reconnu l’importance de sa contribution scientifique à la découverte ... non ? Seul un des trois nouveaux Prix Nobels a eu la décence de lui accorder une ligne de son discours de remerciement, merci Maurice ! Concernant les deux autres, aucune attention, rien. Seulement un best-seller pour Watson, The Double Helix (publié en 1968) dans lequel il dresse un portrait de Franklin comme celui d’une femme non coopérative, et « incompetent in interpreting X-ray pictures » (« incompétente dans l’interprétation des images en rayons X »). Thanks James ! Quand on sait qu’il a, par la suite, tenu des propos sexistes, racistes et homophobes considérant que les femmes devraient pouvoir avorter si elles découvrent que leur bébé porte le « gène de l’homosexualité » (nous ne nous attarderons pas sur la profondeur de cette réflexion mais je vous invite à aller lire l’article de The Independent, « Nobel winner may sue over gay baby abortion claim » pour en savoir plus sur sa vision pro-choix vis-à-vis de l’avortement), on se dit que l’on n’a pas vraiment besoin de son avis. La famille de Rosalind, et ces autres anciens collègues ont d’ailleurs exprimé leur désaccord quant à ce fameux portrait, dont Francis Crick. Merci Francis, la boucle est bouclée.


Une réhabilitation progressive :

La reconnaissance de Rosalind Franklin est en marche. Aucun moyen de savoir si cela est dû à la lumière qui lui est portée grâce au livre de Watson ou si c’est simplement que le monde n’est finalement pas aussi mauvais que cela mais depuis quelques années, son travail et son implication scientifique commencent à être reconnus et récompensés.

En 2003, un prix ‘’Rosalind Franklin’’ est créé et récompense les femmes scientifiques, leur remet une médaille et une bourse pour poursuivre leurs travaux. En 2008, on lui attribue le prix ‘’Louisa-Gross-Horwitz’’ de manière posthume pour ses accomplissements. Plus récemment, en 2019, le futur astromobile de l’Agence Spatiale Européenne, ExoMars est baptisé Rosalind Franklin en sa mémoire. Elle devrait donc se poser sur le sol martien en 2020.

Loin de moi l’idée de faire de madame Franklin une icône féministe, pour la simple et bonne raison que sa sœur écrit que ce n’est pas ce qu’elle aurait souhaité. Mon but est simplement de réhabiliter la mémoire d’une femme dont le génie n’a pas été reconnu de son vivant et peine à l’être aujourd’hui encore, plus de soixante ans après son décès. Je laisse le mot de la fin à madame Simone Veil qui disait à propos de l’importance des femmes dans la société, « Je crois qu'il y a une différence entre les hommes et les femmes et je trouve que c'est cette différence qui justifie, encore plus que le souci d'égalité, le fait qu'il doit y avoir des femmes. Nous apportons quelque chose qui est essentiel ».


Pour en savoir plus :

-Anne Sayre, Rosalind Franklin and DNA (1975)

-Brenda Maddox, Rosalind Franklin, The Dark Lady of DNA (2002)

-Jenifer Glynn, My Sister, Rosalind Franklin (2012)


Ysaline

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