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Chili, pourquoi ?

  • sortiedececours
  • 6 déc. 2019
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 mars 2020

Le Chili a longtemps été considéré comme le pays avec la meilleure politique économique de toute l'Amérique Latine. Dans les années 2000, alors que la croissance moyenne du PIB dans l'Amérique du Sud se trouvait aux alentours des 1,5%, le Chili brillait avec une croissance de 4,79%, remontant ainsi la moyenne générale. De plus, il était, avec l'Argentine, le seul pays où l'IDH (Indice de Développement Humain) était supérieur à 0,75. Ces résultats, excellents comparés à ceux de ses voisins, semblaient placer le Chili en modèle à suivre pour le reste de l'Amérique Latine. En bon élève, le Chili a mis en place, dans les années 1990 un model économique à l'image des idées de l'Ecole Autrichienne et de l'école de Chicago. Cependant, ces dernières années, l'élève brillant de la classe semble avoir perdu son élan; la précarité augmente, les prix montent, les inégalités se creusent et l'ascenseur social ne marche plus.

Comment expliquer la crise sociale au Chili?



Photo de la manifestation pour le Chili du 23 octobre 2019 à Barcelone

Crédit photo: Mercedes Crespo


 


Il est très difficile de répondre à cette question. Cependant on peut remarquer certaines tendances qui ont poussé ce pays vers de mauvais résultats économiques et par conséquent vers la crise sociale.

Un pays riche grâce au libéralisme


Tout d’abord, il faut faire un petit retour en arrière à l’époque de la dictature de Pinochet, 1973-1990. Les conditions économiques étaient très mauvaises, les expropriations nombreuses et l'étatisme de cette première décennie entraînaient un désastre. L’inflation frôlait les 300 % et la précarité était omniprésente dans toute la population hormis la classe dirigeante. De plus, les disparitions non officielles, qui ne cachaient que des assassinats menés par l'armée envers les prisonniers politiques (opposants ou non) semaient la terreur au sein de la population. À la suite de résultats économiques aussi catastrophiques, le gouvernement a pris conscience qu'il devait faire un virage à 180° dans son économie s'il ne voulait pas se retrouver face à une insurrection populaire. Pinochet a alors demandé conseil aux économistes de l’Université Catholique du Chili. Ces jeunes économistes étaient inspirés par l’Ecole de Chicago et plus particulièrement par deux économistes de renommée mondiale, Milton Friedman et Arnold Harberger, deux grands défenseurs du libéralisme économique.


Les Chicago Boys (comme on les a surnommés) ont révolutionné le système économique en place; ils ont privatisé des entreprises publiques, minimisé des subventions, mis un terme à l’inflation et changé le système des retraites vers un système capitalisé. Il convient tout de même de dire que malgré cela, les conditions de vie des chiliens n'ont pas évoluées de façon significative. En effet, non seulement les mesures libérales adoptées de façon durable n'ont pas été nombreuses mais par ailleurs, le Chili a eu du mal à développer des relations commerciales avec d'autres pays en raison de son mode de gouvernement dictatorial et sa branche industrielle peu développée. Ceci, s’est soldé par des licenciements peu efficaces dans les entreprises publiques.


Suite au retour à la démocratie, le Chili a connu une remontée extraordinaire. Le gouvernement de gauche modérée de Patricio Aywin, qui a succédé à la dictature militaire, a maintenu et renforcé le modèle néolibéral instauré par les “Chicago Boys”. Ses successeurs ont fait de même, ainsi le Chili est devenu “La Suisse d'Amérique Latine”.


La formule magique qui a permis de maintenir et d’augmenter la croissance a été le mélange d’impôts attractifs, d’une ouverture vers le marché international et d’un paysage économique et fiscal favorable à l'entrepreneuriat. Depuis les années 1990, l’espérance de vie au Chili est la plus haute de toute l’Amérique du Sud. Son IDH est le plus haut de toute la région, la croissance économique de ces dernières années a même profité aux plus pauvres. En effet, le revenu minimal a été multiplié par six.


Quand on compare les chiffres actuels du Chili à ceux des autres pays d’Amérique Latine, en terme de dette, de PIB, d'IDH et de niveau de vie, il semble le paradis. Cependant, les comparaisons peuvent être trompeuses, car si on compare le développement du Chili  à celui d’autres pays asiatiques voire d'Europe, qui connaissent également un développement spectaculaire, on remarque tout de même un freinage de la croissance à partir des années 2000. Ce freinage est tel que le Chili est devenu à la fois l'exemple et le contre-exemple du succès du libéralisme. Aujourd’hui, des manifestations très virulentes traduisent le mécontentement des Chiliens face au ralentissement de la croissance et à l’augmentation du chômage. De plus, la méritocratie au Chili est presque inexistante, autrement dit il n’y a pas de mobilité sociale ascendante.


Si on regarde les chiffres de croissance du PIB du Chili aujourd’hui on remarque qu’il se trouve entre les 1% et 2 %, pourquoi?



Le retour de Bachelet : Virage à 180°


Ceci traduit un changement de politique économique opéré par le gouvernement socialiste de Michelle Bachelet. Depuis son retour au palais de la monnaie en 2014, Bachelet a mené trois réformes majeures, une réforme fiscale, une réforme du système éducatif et une réforme de l’emploi. Toutes ces mesures s'inscrivent dans la tendance des Gauches du XIX siècle (autre sujet passionnant). Ici nous traiterons les principales mesures de la réforme fiscale et dans une moindre mesure les effets des deux autres réformes. La première mesure s’est traduite par une augmentation des impôts sur les bénéfices des entreprises (augmentation de quasi 30%) et a permis de supprimer des réductions d’impôts pour les entreprises qui réinvestissaient leurs bénéfices dans le pays. Le but étant (théoriquement) de profiter du dynamisme économique pour avoir plus de recettes qui financeront des plans d'aide aux plus démunis.

Ces mesures ont immédiatement eu des effets négatifs tels qu’une réduction de l'entrepreneuriat et de l’investissement de 30 %, ce qui a entraîné une baisse de la qualité des services publics. Par ailleurs, le Chili s’est positionné (de manière relative) comme le second pays le plus compliqué pour entreprendre (le premier étant le Japon, un autre élève brillant qui connaît des temps difficiles).

Alors que des pays comme le Canada, le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore la France de Macron se penchent vers des réformes fiscales qui visent à  rendre plus facile d’entreprendre, le Chili est allé en direction contraire. De plus la réforme du travail a compliqué encore plus la situation car depuis qu’elle a été promulguée, il revient plus cher aux entreprises d’embaucher et plus difficile de licencier. Cette réforme a fini par renforcer le déclin de l’activité économique au Chili.

Ces réformes n’ont pas été bien reçues par l’opinion publique qui a en effet rejeté les réformes à plus de 62% (d’après des sources de Télé Sud) et plus précisément la réforme éducative qui était perçue comme “trop légère” et donc peu efficace (son but était de rendre les études supérieures gratuites mais le projet reste à ce jour inachevé).


Bachelet est-elle la responsable?


Il est certain que les mesures socialistes instaurées au Chili n'ont pas eu des effets bénéfiques sur l'économie, cependant elles ont profité aux personnes les plus modestes du pays, notamment dans les domaines de la santé. Malheureusement ces politiques n’ont pas réussi à résoudre le problème principal qui affecte le pays depuis très longtemps : la mobilité sociale, caractéristique commune à tous les pays qui instaurent un modèle économique néolibéral.

La plus grande partie de la richesse, approximativement 17 % du PIB, est concentrée entre les mains de sept familles. En outre, les services de santé et d'éducation restent en grande partie privés et chers ce qui nuit à la méritocratie.

De plus le Chili est un pays frappé par la corruption. Certes, des avancées incroyables ont été faites dans ce domaine, cependant depuis 2000, vingt-trois accusations constitutionnelles (c’est-à-dire un processus de destitution en cas de corruption ou faute grave) ont été formulées. Deux d’entre elles ont abouti à la condamnation de ministres de l’Education, Harald Beyer condamné en 2013 et Yasna Provoste condamnée en 2018. Sans parler de la Trama Caval, qui a même touché le fils de Michelle Bachelet et des banquiers très puissants.

Les inégalités résultant du modèle libéral de ce pays et les mauvaises décisions des dernières décennies donnent un aperçu des raisons du mécontentement des Chiliens et des manifestations. Celles-ci sont d'une telle ampleur qu'elles ont déjà coûté des millions de dollars à l'économie chilienne (ce qui ne fait qu'aggraver le problème). Il serait tout de même incomplet d'ignorer les revendications constitutionnelles des manifestants qui veulent une “vraie” constitution pour leur patrie et ceci car la constitution actuelle est considérée comme un héritage de la dictature. Le processus de rédaction d'une nouvelle constitution est en cours. Et nous tâcherons de vous tenir informés sur le sujet.


Gaël d'Abgrund


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