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Entre Tabou et Dénis, le cas d’une classe marginalisée, Les Sans Papiers

Dernière mise à jour : 3 févr. 2020

Souvent entourés de chiffres plus que de réalité sociale, souvent stéréotypés et mis à l’écart, quelles conditions pour les 200 000 à 400 000 migrants illégaux arrivant chaque année en France ? Un sujet méconnu ou mal connu qui nous a amené à les rencontrer pour diffuser leurs voix.




Migrants, Étrangers, Clandestins, Réfugiés et Sans papiers, beaucoup de termes différents pour un sujet si tabou en France. Pourtant ces hommes et femmes ne nous sont point inconnus.


Paris, 19 heures, dans le vingtième arrondissement, nous assistons à une réunion pour le moins peu commune. Comme chaque lundi, le Collectif de Sans Papiers se réunit. Une vingtaine d’hommes sont venus ce soir pour s’apporter un soutien mutuel, s’organiser, assister à des cours de français et faire un état de leurs avancées vers la citoyenneté française. Tous, ont des profils différents, entre dix-neuf ans et la quarantaine, ils viennent du Mali, du Soudan, de Mauritanie ou encore de Tanzanie. Ils ont tous fui la pauvreté, le chômage, la guerre, la mort parfois, pour tenter de s’offrir une vie meilleure. Certains sont arrivés en France quelques mois auparavant, d’autres résident à Paris depuis plus de cinq ans sans titre de séjour. Cependant, se dressent face à eux les barrières de l’administration française, le besoin de survivre dans une société qui ne leur permet pas l’accès à l’emploi. Leur seul «sauf-conduit», la carte de membre qui en cas d’arrestation leur assure la pression du collectif sur les pouvoirs publics.


Afin de respecter leur anonymat et leur éviter tout problème avec la justice nos interlocuteurs sans-papiers seront naturellement anonymisés.


A l’amorce du regroupement, beaucoup de visages sont fermés et notre présence éveille la curiosité. Ce soir-là, Hassan dirige la séance. Les thèmes principaux posés sur la table sont le sujet de notre venue, l’affluence peu convaincante des membres lors des manifestations et le soutien de quelques gros syndicats. Suite à la présentation de notre projet, Hassan nous confie tout comme la majorité des membres être profondément satisfait de pouvoir expliquer et faire connaître sa situation. Des entretiens sont donc convenus. Nous retrouvons donc par la suite le témoignage du sans-papier s’étant confié à moi.


Mohamed, entre misère parisienne et lutte passionnée


Mohamed, délégué et leader du collectif, est en France depuis cinq ans. Il possède des diplômes de plombier, de carreleur et de peintre et cherche du travail en France. Impossible sans papiers. Alors, en attendant, ses activités se résument à son engagement profond dans le collectif et dans différents mouvements où il compte bien faire valoir ses droits. Car il est peut-être un sans-papiers mais il n’est pas un « sans droits ».


L’entretien débute et Mohamed commence par nous évoquer sa condition de vie actuelle. Il vit dans un foyer, un logement précaire et bondé, ou la misère règne en maître. « C’est toujours la galère pour vivre

et dormir. Si tu vas là-bas tu peux voir des gens qui dorment sous les escaliers. Avant le matin, ils se lèvent pour essayer d’aller trouver du travail » nous dit-il. Les chambres sont souvent partagées, les sans-

papiers alternent car certains essaient de trouver de petits jobs de nuit « au noir » et viennent ainsi dormir le jour. Le travail « au black » voire l’usurpation d’identité, un choix parfois nécessaire pour survivre selon le malien qui nous explique le « travail par alliance ». L’idée est simple : utiliser les papiers français d’un parent du même nom ou homonyme pour obtenir un salaire. Cela fonctionne principalement dans le milieu du BTP (Bâtiment et Travaux Publics). Milieu dans lequel notre interlocuteur est triplement diplômé. Cette solution est naturellement très complexe et dangereuse mais nécessaire selon Mohamed car si non réalisée, pire encore est la situation. « Si on ne travaille pas, coté nourriture, c’est un réel combat ! Avoir de la chance pour avoir vingt ou trente euros par semaine et tu te débrouilles avec ça. Et avec les parents, la famille, tu partages. Mais pour le reste, le logement par exemple, et bien nos familles ici sont devenues des résidences sociales ». Mendier, une solution impossible pour lui qui rejette totalement l’idée et qui souhaite garder une certaine dignité...


Ensuite, le thème de la santé apparaît dans la conversation et plus précisément le sujet des passes particuliers auxquels les sans-papiers ont droit pour se soigner. Je lui demande ouvertement quels problèmes les immigrés ont avec la santé. Il clame alors : « Les passes pour l’accès à l’hôpital, ça ne marche pas. On nous renvoie toujours vers d’autres hôpitaux ». Conditions difficiles peut-être mais pas question de se lamenter non plus pour le jeune malien qui a déjà connu bien pire. Ayant fui la Guerre du Mali à l’âge de dix-sept ans, il nous confie l’horreur de son départ : « J’ai vu comment on tue les gens par balles, des cadavres sous mes yeux. Mais il ne faut pas penser à ça ». Thème très sensible pour l’homme qui en vient à parler de son statut.




Le statut de réfugié controversé


Mohamed, simple sans-papiers, ne rentre pas dans les cases administratives du statut « réfugié ». Le statut de réfugié est assez particulier et attribué seulement à quelques « privilégiés », une sorte de passe VIP vers la nationalité française. Cependant selon Mohamed, ce statut est assez injuste dans son attribution : « Nous n’avons pas le statut de réfugié, même si nous le sommes. Quand on est arrivé, le gouvernement n’a pas appliqué ça. Alors qu’il savait. On quitte notre pays à cause de la guerre, et on nous laisse ensuite dans la difficulté ». L’homme a du mal à s’exprimer sous l’émotion mais souhaite tout de même nous faire part de la mort de certains de ses proches suite à une guerre que « personne n’a voulu ». Une frustration réelle pour cet homme de la vingtaine se sentant délaissé. Délaissé par l’État, par les politiques et le politiquement correct qui n’aboutit à rien. « Les promesses du gouvernement : 10 000 emplois pour les sans-papiers, ils disent ça comme ça et nous on attend, on attend encore et encore ». Un sentiment d’injustice domine l’entretien mais naturellement et par habitude le malien se recentre sur le plus important.


L’accès au travail, unique priorité


Pour lui, l’objectif principal de la lutte de tous les sans-papiers c’est l’accès au travail. Et Mohamed lutte depuis maintenant cinq ans. Il m’affirme que certains de ses amis sont bloqués dans les procédures administratives depuis dix ans sans porte de sortie : « Il y en a qui sont là depuis dix ans et qui n’arrivent même pas à déposer un dossier. Quelqu’un qui perd sa vie pendant dix ans, dix ans où tu vas tous les mois à la préfecture. Et c’est pas fini ! Tu vas arriver à onze ans, douze ans, treize ans, tu ne peux toujours pas déposer à la préfecture parce qu’il faut une demande par internet qui ‘’bug’’. Trois mois, pour avoir internet, trois mois, tu rames, le site est bloqué ». Selon lui, il est profondément frustrant de ne pas les laisser travailler alors qu’ils sont prêts à effectuer les travaux que les français ne veulent pas faire. De plus, beaucoup sont qualifiés. Mais le résultat est toujours le même selon lui, cette même phrase des employeurs « On ne vous prends pas, vous n’avez pas de papiers ». Il reprend ensuite en parlant de jeunes du collectif : « Il y a des jeunes qui sont ici, qui ont des diplômes, qui sont motivés, qui parlent bien français, qui ont fait beaucoup d’entretiens et si on leur donne des papiers, ils peuvent travailler à leur propre compte. Voilà on n’a pas besoin de plus ». L’espoir réside tout comme l’incompréhension avec les prochaines échéances parisiennes qui selon lui apportent beaucoup de travail. Un statut, un visa à part entière pour pouvoir avoir l’opportunité de travailler sur une courte durée, voilà des idées qui le motivent : « j’aimerais qu’ils nous proposent des papiers pour une courte durée vu qu’il y a les Jeux Olympiques qui arrivent en 2024, le Grand Paris qui est en train de se construire. Qui peut dire qu’il n’y a

pas de travail à Paris ? ». Une idée provisoire envisageable selon les sans-papiers qui aimeraient pouvoir travailler sur le cours terme en attendant la nationalité française.


Existera-t-il une fin ?


L’entretien se clôture avec beaucoup d’émotions et nous continuons de parler avec l’homme pendant quelques minutes. Avec beaucoup d’incompréhension, Mohamed, nostalgique, espère un jour rentrer chez

lui. Non pas pour y vivre mais pour revoir ses terres, là où il a grandi.


Nous vous laissons avec ces derniers mots qui m’ont personnellement beaucoup marqué. Un premier article d’Insider au cœur d’une France méconnue...


Mohamed met en avant ces dernières informations. La guerre perdure au Mali, une guerre menée par une coalition et des pays développés souhaitant la paix et revendiquant les droits de l’homme. Une paix qui selon lui a toujours régné dans son foyer avant que les hommes aux casques bleus viennent tuer ses voisins.

Quentin Rion


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