top of page
  • sortiedececours

La Gare Jazz vaut-elle la halte ?

C’est un lieu pittoresque, qui a vécu, et bien caché. Pourtant, au détour de l’Avenue Corentin Cariou, vous trouverez ce petit bâtiment auquel une nouvelle vie a été donnée. C’est un lieu dans lequel se rencontrent un cadre unique et la magie de la musique. C’est bien dans cette petite gare de l’ancienne petite ceinture parisienne qu’est née une salle de concerts. Ce bar à concerts fourmille de monde en permanence, et c’est tous les soirs que quelque chose est à découvrir. Et quelles découvertes vous y ferez ! La programmation ininterrompue laisse le choix tout au long du mois, allant des jam à Tao (Ehrlich, avec son groupe, tous les jeudis), à Rick Margitza, saxophoniste de renom, ayant joué avec Miles Davis avant d’enregistrer à maintes reprises au prestigieux label Blue Note, en passant par les jam des étudiants du Conservatoire National Supérieur, dont le talent éblouit chaque mardi pendant quelques heures. La programmation hebdomadaire, accompagnée de concerts plus ponctuels d’artistes de passage ou en tournée, permet de voir une large palette de courants de toutes provenances en l’espace de sept jours. Le tout agrémenté d’un maître de cérémonie prêchant et introduisant non pas sans ferveur les musiciens présents sur scène. Quelquefois, il est même possible de goûter avec plaisir à un concert clandestin, où se produit une ou un artiste reconnu, mais ne pouvant se produire sous son nom, comme ce fut le cas à la fin du mois de janvier avec Anne Pacéo, qui donna une prestation de plus de deux heures et demie tout à fait mémorable.


C’est donc un jazz généralement conscient de bon nombre de réalités sociales du Monde que l’on rencontre dans cet endroit charmant. Mais malgré cela, en regardant le monde du jazz, une impression qui peut venir à l’esprit assez rapidement est celle d’un cercle quelque peu élitiste, un peu refermé sur lui-même, à la manière d’autres formes de musique savante. Faut-il donc privilégier, ou préférer une partie plutôt que l’autre à cause du public, ou bien des éventuels lieux associés à l’une ou l’autre ? Il pourrait y avoir une dichotomie entre le jazz un peu plus « aux marges », qui est plus politique, et celui rapidement associé à un style de musique moins accessible. Il est vrai actuellement qu’une forme de jazz vue comme plus réelle s’inspire en grande partie des réalités politiques vécues par les artistes. Mais celui qui maintenant est au centre de grands festivals ou bien, est représenté dans des salles connues pour leur caractère prestigieux, a été, et est toujours en train de s’inspirer de réalités, de plusieurs contextes sociaux, qui sont assez similaires. Ce sont en effet des décisions artistiques, et comme dans à peu près toutes les formes d’art, ce n’est pas la créativité qui est limitée. Donc un isolement, ou un possible détachement du jazz des réalités sociales n’est probablement pas à imputer aux artistes, bien que certains y participent et pourraient se permettre de faire connaître leurs histoires musicales à un public bien plus grand. C’est le cas de nombreux cadors, qui ont tendance à se produire rarement, et dans des salles ou des grands festivals connus que des adeptes de longue date (on pourrait penser à Herbie Hancock ou Joe Satriani qui se produisent à la salle Pleyel). Ce phénomène, comme dans toutes les formes d’art qui rencontrent un grand succès qui leur offre une certaine longévité, vient principalement du commerce et d’une industrie qui se construit, et utilise un certain courant, un style, ou même une seule personne. Cela ne compte, et ce n’est pas surprenant, pas que pour le jazz, mais pour n’importe quel genre musical qui possède son public, ou qui a la possibilité de l’agrandir. Évidemment, cette industrie est un facteur de sa diffusion massive. Elle a permis le développement de nouvelles mouvances artistiques (et cela dépasse l’art de la musique). D’ailleurs, Duke Ellington disait dans un entretien/concert enregistré à Paris, que le jazz était comme un arbre, qui allait non seulement chercher ses inspirations dans les réalités des différentes populations du Monde, mais qui allait aussi étendre ses branches çà et là, un peu partout sur la planète, et influencer les artistes par bien des façons. Ainsi, il ne faut pas y voir l’incarnation du mal contre la pureté de l’expression artistique, puisque des artistes absolument remarquables n’auraient pas eu ce qu’ils méritaient sans ce système. Mais dans le même cas, cela peut être un vecteur de renfermement, rendant le jazz moins accessible, compris seulement par ceux qui le voudraient réellement ou qui ont les moyens de le faire.


Ainsi, aller voir un grand nom du jazz à la Villette est-ce mieux que de se rendre à La Gare ? Évidemment, voir se produire un individu ou un groupe que l’on attend depuis longtemps procure un sentiment de satisfaction personnelle indéniable. Mais dans le même temps, ce n’est pas la seule ressource à notre disposition pour apprécier, ou commencer à apprécier le genre. Sans même mentionner les artistes reconnus qui s’y produisent, celles et ceux que vous verrez à la Gare ont tout ce qu’il faut pour se produire sur des scènes prestigieuses, s’ils ne l’ont pas déjà fait. Il s’agit donc de saisir cette occasion et de profiter. Pour un accès facile, atypique, au jazz, ou une déclinaison de ce genre musical, ou si l’on veut tout simplement passer un bon moment à écouter de la bonne musique, il n’y a pas nécessairement besoin de débourser des sommes extravagantes, il suffit simplement de prendre la ligne 07 et découvrir un monde musical chaque soir de la semaine. Là, comme une petite light box vous le montrera dans la salle, laissez juste parler la musique d’abord.


Lenny Geerts

 

Liens utiles :

116 vues0 commentaire
Post: Blog2_Post
bottom of page