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C’est quoi être une femme en 2020 ?

“Pourquoi sommes-nous passé du terme mademoiselle à celui de madame au sein des institutions ?

Car une fille n’a pas besoin d’un mari pour être une femme !”


Avec cette citation, c’est bien le sujet de la femme et de sa place dans la société qui m’a interpellé aujourd’hui. En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, j’ai souhaité poser une seule et unique question à plusieurs personnes de genre, de sexualité et d’âge différents : “C’est quoi être une femme en 2020 ?”. Cette question m’a valu de nombreuses réactions d’étonnement et a parfois laissé perplexes les interrogés. Je vais donc essayer de résumer leurs réponses.


Une femme plus libre et plus indépendante


Pour certains, une femme en 2020 est une personne indépendante et forte. Le discours de la liberté est prôné. La femme ne ferait plus face à aucune barrière. J’ai eu la chance d’échanger avec une personne ayant plus d'expérience de vie que moi. Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’insistance sur l’évolution du statut de la femme. En prenant l’exemple de sa mère, cette personne m’a expliqué que la soumission aux hommes était moindre et que la société était plus ouverte à de nouvelles façons de penser. Par la suite, une autre personne m’a aussi interpellé sur le fait que la féminisation de la société serait trop forte, oubliant la place des hommes. L’ensemble de ces échanges m’a fait réaliser que la femme a, bien sûr, une nouvelle place dans la société impliquant plus de liberté mais, j’ai aussi vu que cette vision était souvent mise en place par un acquiescement du patriarcat.


Une pression du patriarcat


Ce que j’ai le plus remarqué est qu’il existe à travers cette question, une réelle envie de révolte de la part des personnes questionnées, surtout chez les personnes de genre féminin mais pas que. On ressent surtout que malgré le fait d’avoir dépassé de nombreuses normes, le discours est orienté en opposition à une société exclusivement phallocentrée. Même si on compte des améliorations de certaines normes qui permettent une liberté plus grande de la femme, ce n'est que superflu. On impose toujours des choses aux personnes en fonction du sexe, notamment une attribution sexuelle qui répond aux attentes de la société patriarcale. Enfin, ce que j’ai le plus retenu de ces échanges est l’espoir de ces personnes qui souhaitent une société plus libre et plus égalitaire entre les hommes et les femmes.


J’ai pu, grâce à cet article, me rendre compte de la diversité des avis qui peuvent exister au sein même d’une société. Pour vous en rendre compte, j’ai décidé de vous partager les témoignages de ces personnes afin que vous puissiez vous même vous faire votre propre avis.

 

Homme, 30 ans :

La définition d’une femme implique une approche essentialiste douteuse qui ne permet pas d’apporter une proposition sérieuse. Voilà ce que serait une réponse 2020 à la question « Qu’est-ce qu’être une femme en 2020 selon un homme ? ». Ceci dit, une telle affirmation pose plus radicalement le problème de l’impossible signification du terme : comment peut-on malgré cette aporie penser à l’être d’une femme dans notre actuelle façon d’aborder l’identité toute particulière du genre ? Le problème devient même définitivement une peine perdue lorsque l’interrogation est lancée à un mâle qui appartiendrait à la société des dominants exploitant sa place de privilégiée. De telles obstacles à la réflexion, en amont de toute capacité à pouvoir saisir l’objet de ce dont il s’agit de questionner, illustrent un déclin de l’idéal d’universel. Nous voulions pouvoir prendre la plume et rédiger une déclaration célébrant la dignité de toute l’humanité à l’aube du XIXe, mais nous voici grippés dans la volonté d’inclure la diversité du monde dans nos paroles. Le langage est devenu l’outil soupçonneux de la manipulation des pensées. Le langage est devenu « fasciste » comme le défend Roland Barthes. L’être n’est plus à sa place dans la maison des signes linguistiques. Être une femme intervient comme la répétition du même souci : de quel être, de quelle femme s’agit-il d’évoquer ? Dès que l’expression « la femme » est entendue, immédiatement, la raison se braque dans la position critique, dans l’analyse des coulisses politiques du concept. On veut voir les rapports de force dans l’utilisation des termes contentieux, dénicher la désillusion du mot. Nous ne pouvons ainsi plus ouvrir un espace public, c’est-à-dire un lieu ouvert à chacun d’entre nous, pour débattre autour de cette question. Une sélection préalable est effectuée dans notre esprit, entre ceux qui sont victimes et ceux qui sont les bourreaux, entre ceux qui peuvent prendre la parole et ceux qui doivent se taire. Au fond, c’est toute la communication qui est rendue inopérante en raison de l’impossibilité de pouvoir d’emblée prendre part à la discussion sur ce sujet. En réalité, nous sommes victimes de notre propre impuissance à nous emparer de l’idée d’être une femme, car nous avons universalisé le bourreau, l’homme exploiteur et manipulateur, à travers le traître abstrait qui se cache dans le mot. Le langage est devenu cet homme qui viole la singularité de la vie, celle qui est la victime. Nous avons perdu notre instrument qui semblait pourtant être le propre de l’homme, cet « animal politique » comme l’entendait Aristote. Nous ne sommes plus des êtres dans la cité puisque nous avons perdu ce qui nous permettait de rendre effectif l’universel, c’est-à-dire ce qui demeure le plus petit dénominateur commun de tous les êtres particuliers et généraux qui sont postulés. Nous ne pouvons plus être quelque chose parce que nous avons cru nous réapproprier notre identité en supprimant ce qui lui donnait une signification. Cette conclusion absurde relance pourtant toujours cette question, et semble dépasser notre contemporanéité : qui suis-je ? Le débat est ouvert.


Homme, 27 ans :

C’est discriminatoire pour nous, les hommes.

On est tellement en train de féminiser les choses qu’en fait on s’en fout des hommes maintenant. Par exemple, un cross organisé par les pompiers, jusqu’en 2018, on récompensait le centre le plus représenté. En 2020, on récompense le centre le plus représenté par des femmes.


Femme, 20 ans :

Être une femme en 2020 c’est être une femme qui assume ses choix qui les portes aux efforts, qui n’a pas peur de tenir tête et qui est forte.

Elle a le droit de penser et faire ce qu’elle veut.


Homme, 30 ans :

Être une femme en 2020 :

C’est être indépendante, entrepreneuse, ambitieuse.

C’est ne plus attendre les hommes pour qu’il se passe quelque chose de palpitant dans leur vie, assumer son corps, ses désirs et sa sexualité.

C’est aussi être classe, élégante, intelligente.

C’est être reconnu pour ses compétences et de moins en moins pour son cul.


Femme, 54 ans :

Etre une femme en 2020 c’est pouvoir travailler, être épanouie dans la vie. Ma mère par exemple vivait avec beaucoup de vieux principes. Nous en 2020, on ne se cache plus rien, on est ouvertes à plein de choses que ce soit avec les enfants ou avec les autres gens. Par rapport aux années antérieures, les différences entre les hommes et les femmes ne sont plus vraiment grandes. Les femmes sont de plus en plus dans la politique, font des métiers d'homme, travaillent beaucoup avec les hommes d’ailleurs. Avant, les femmes avaient un petit travail voir ne travaillaient pas. Elles élevaient les enfants. Tandis que maintenant, elles travaillent toutes et ont toutes des horaires voire des emplois comme les hommes. Maintenant, on voit des femmes peintres, des conductrices de bus. Mais c’est pas complètement égal non plus. En 2020, une femme est beaucoup plus libre qu’avant. Elle a une liberté de s’exprimer, de s’habiller comme elle veut. On se sent moins jugée qu’avant, moi par exemple, je me fiche du regard des gens. Une femme en 2020 est libre dans ses mouvements, dans sa parole et dans ce qu’elle fait au quotidien. Par exemple, étant séparée, je me débrouille seule et j’ai aussi la possibilité de vivre seule. Des moyens comme internet nous permettent de faire beaucoup de choses aussi en nous ouvrant sur le monde. On peut par exemple faire des rencontres, avoir un nouveau travail. Pour en revenir aux relations amoureuses, dans mon cas je ressens une envie de plaire qui passe par m’occuper des tâches ménagères par exemple. Personnellement, je faisais à peu près toutes les tâches ménagères auparavant pour mon ex-compagnon sans même me questionner sur cette légitimité. Pour moi, l’homme n’est pas prêt à tout faire ou du moins, il ne pense même pas à participer et quand bien même, il ne veut pas le faire. Enfin, je ressens toujours une

espèce de pression quand même au niveau des couples à vouloir toujours plaire, ce qui passe aussi par le fait de parfois écouter ce que dit l’homme en oubliant sa réelle volonté.


Femme, 20 ans :

Être une femme aujourd’hui c’est compliqué.

C’est à la fois être et devoir être consciente de la chance qu’on a en France d’avoir gagné tous les droits que nous avons gagnés si l’on compare à nos grands-mères mais c’est aussi ne pas se satisfaire du chemin parcouru mais vouloir aller plus loin.

C’est aussi être peu comprise, être considérée comme « allant trop loin » même selon des personnes qui se revendiquent « pro-féministes ». C’est aussi être parfois prise entre deux étaux, se vouloir badass et déconstruite de la société patriarcale tout en répondant à certaines attentes (par nos désirs notamment) de cette même société que l’on combat.

C’est enfin ne plus tolérer l’intolérable, ne plus accepter les non-dits ni d’être réduite au silence. C’est lutter chaque jour avec beaucoup de monde pour que sa parole soit enfin reconnue.

C’est aussi gagner des petites victoires dans ces débats sur le féminisme où l’on finit par couper la repartie de son adversaire en trouvant les mots justes et en le mettant face à ses contractions.

Bref être une femme en 2020 c’est une joie et une fierté parce que c’est stimulant mais c’est aussi épuisant de se rendre compte du chemin qu’il nous reste à parcourir en France mais également dans tous les pays du monde où être une femme demeure une faiblesse voire un danger.


Personne non binaire, 21 ans :

Pour moi, être une femme c’est une obligation qu’on nous impose encore en 2020. C’est à la fois être obligée d’assumer certains choix et devoir se justifier sans arrêt. De plus, la question être une femme oblige déjà à nous mettre dans une case genrée, tout ça à cause d’un physique. Pour ma part je ne comprends pas cette obligation. Enfin je pense qu’une pression patriarcale nous empêche d’avancer et de pouvoir vivre librement. La question concernant le fait d’être une femme en 2020 résulte encore une fois de cette pression ressentie par les individus.


Femme, 19 ans :

Être une femme en 2020 c'est déjà et avant tout un choix. Le choix, encore difficile, d'accepter son sexe biologique ou d'en changer, le droit de se considérer femme autant qu'homme ou rien de cela.

Que l'on soit cisgenre, transgenre, être femme en 2020 c'est encore et toujours se voir stigmatisée dans les médias, c'est devoir se battre plus que les hommes car si nous avons plus de droits que nos mères ou nos grandes sœurs, l'évolution se fait au ralenti, sous l'égide du patriarcat et de la phallocratie. Être une femme ce n'est pas être une fille, et pourtant nous vivons la même oppression directe comme insidieuse. En 2020 être une femme reste une épreuve lorsque l'on n'est pas née avec un vagin. C'est aussi l'obligation d'être efféminée sans quoi on ne serait pas "une vraie femme" ou au contraire une insulte pour celui qui ne se considère pas comme tel "Arrête de pleurer, on dirait une meuf, t'es trop fragile" etc. Le passage de la fille à la femme, passage symbolique excluant beaucoup de femmes, semble se faire par l'arrivée des premières règles et la fertilité qui nous rendrait alors objet de désir, à la fois hystérique et fragile. Et même si être ou devenir une femme en 2020 reste beaucoup plus facile en France que dans d'autres pays et régions du monde, il y a encore beaucoup à faire. Concernant nos règles par exemple, pourquoi est-ce encore quelque chose perçu comme sale ? Pourquoi tant de personnes souffrent encore de précarité menstruelle alors que cela devrait être gratuit ? Pourquoi les protections hygiéniques sont si chères, et si nocives ?

Concernant la sexualité, celle des femmes est toujours diabolisée contrairement à celle des hommes et la masturbation féminine semble presque inexistante. Quant à la charge mentale, elle n'a pas diminué avec les siècles bien au contraire, et le droit à la contraception n'arrange pas les choses. C'est un droit important, mais avec lui les femmes se sentent obligées d'assumer une contraception tous les jours de leur vie durant des année alors qu'elles ne sont fécondes que quelques jours par mois et que les hommes féconds tout le temps refusent de porter des capotes car ça les gêne ! C'est ne pas pousser les essais pharmaceutiques sur les contraceptions masculines car il y a des effets secondaires indésirables, comme si celles des femmes n'en avaient pas. C'est aussi avoir trop peu de choix de contraception non hormonale, et décider de ne pas en avoir c'est risquer une IVG violente et encore mal jugée. C'est prendre le risque de tomber enceinte après un viol, car oui marcher dans la rue pour une femme en 2020 c'est risquer le pire sans certitude que l'agresseur soit condamné... Quand on sait que certains sont même récompensés. Être une femme en 2020 ce n'est pas seulement risquer sa vie et sa dignité dans les rues, mais aussi chez soi avec les violences et le viol conjugual. Et comme si craindre les coups d'un conjoint n'était pas suffisant, il faut craindre les professionnels de santé, leurs gestes déplacés, leurs remarques sexistes et les violences gynécologiques banalisées.

Être une femme en 2020 c'est cela et bien plus, c'est devoir concilier travail et enfants avec beaucoup plus de difficultés à l'embauche, la prise en charge des tâches ménagères les moins valorisées, tout en étant moins payée que les hommes. Pour le même travail, pour les mêmes efforts voire plus, et bien les salaires demeurent inégaux.

Être une femme en 2020 c'est avoir une responsabilité vis à vis des générations futures, c'est devoir éduquer nos filles et nos fils sans différenciation afin que ce monde change, c'est élever la voix pour se faire entendre, c'est se soutenir entre les divergences féministes et c'est supporter les hommes agacés de nous entendre revendiquer nos droit et l'égalité, supporter des hommes qui nous pensent

presque privilégiées.

Être une femme en 2020, c'est comme être un homme en 2020 avec plus de difficultés sur de nombreux domaines, et c'est, tout comme eux, participer à la création du monde de demain, un monde plus égalitaire entre les genres et les sexes. Un monde même, où cette différenciation n'aura plus lieu d'être.


Justine Lemaire

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